Dernières prières

Le Notre Père par Saint Ambroise de Milan

Lève donc les yeux vers le Père qui t'a engendré par le bain, vers le Père qui t'a racheté par son Fils, et dis : « Notre Père ! » C'est une juste prétention, mais elle est modérée. Comme un fils, tu l'appelles Père. Mais ne revendique pas un privilège. Il n'est le Père d'une manière spéciale que du Christ seul ; pour nous, il est le Père commun, parce qu'il a engendré celui-là seul, tandis que nous il nous a créés. Dis donc toi aussi par grâce : « Notre Père ,» pour mériter d'être son fils. Recommande-toi toi-même de la faveur et la considération de l'Église. 

« Notre Père qui es aux cieux. » Que signifie aux cieux ? Ecoute l'Écriture qui dit : « Le Seigneur est élevé au-dessus de tous les cieux », et tu trouves partout que le Seigneur est au-dessus des cieux des cieux, comme si les anges n'étaient pas aussi aux cieux, comme si les dominations n'étaient pas aussi aux cieux. Mais aux cieux dont il est dit : « Les cieux racontent la gloire de Dieu. » Le ciel est là où a cessé la faute, le ciel est là où les crimes sont punis, le ciel est là où il n'y a aucune blessure de la mort. 
« Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié. » Que signifie « soit sanctifié ? » Comme si nous souhaitions que soit sanctifié celui qui a dit : « Soyez saints parce que je suis saint, » comme si notre parole pouvait accroître sa sainteté. Non, mais qu'il soit sanc-tifié en nous, afin que son action sanctifiante puisse parvenir jusqu'à nous. 
« Notre Père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne arrive. » Comme si le règne de Dieu n'était pas éternel. Jésus dit : « J'y suis né », et tu dis : « Que ton règne arrive », comme s'il n'était pas venu. Mais le règne de Dieu est arrivé quand vous avez obtenu la grâce. Car il dit lui-même : « Le règne de Dieu est en vous ». 
« Que ton règne arrive, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel ; donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien. » Tout a été pacifié par le sang du Christ, soit au ciel, soit sur terre : le ciel a été sanc-tifié, le diable en a été chassé. Il se trouve là où se trouve l'homme qu'il a trompé. Que ta volonté soit faite, c'est-à-dire, qu'il y ait paix sur terre comme au ciel. 
« Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien. » Je me souviens de ce que je vous ai dit quand j'expliquais les sacrements. Je vous ai dit qu'avant les paroles du Christ, ce qu'on offre s'appelle pain ; dès que les paroles du Christ ont été prononcées, on ne l'appelle plus du pain, mais on l'appelle corps. Pourquoi dans l'oraison dominicale qui suit immédiatement dit-il « notre pain » ? Il dit pain, mais ???????? , c'est-à-dire substantiel. Ce n'est pas ce pain qui entre dans le corps, mais ce pain de vie éternelle qui réconforte la substance de notre âme. C'est pour cela que le grec l'appelle ????????. Le latin a appelé quotidien ce pain que les Grecs appellent « de demain », parce que les Grecs appellent demain ??? ????????? . Ainsi donc ce que dit le latin et ce que dit le grec semblent également utiles. Le grec a exprimé les deux sens par un seul mot, le latin a dit quotidien. 
S'il est quotidien, ce pain, pourquoi attendrais-tu âme année pour le recevoir, comme les Grecs ont coutume de faire en Orient ? Reçois chaque jour ce qui doit te profiter chaque jour. Vis de telle manière que tu mérites de le recevoir chaque jour. Celui qui ne mérite pas de le recevoir chaque jour ne mérite pas de le recevoir après une année. Ainsi le saint Job offrait chaque jour un sacrifice pour ses fils, de peur qu'ils n'eussent commis quelque péché dans leur coeur ou en paroles. Toi donc, tu entends dire que chaque fois qu'on offre le sacrifice, on représente la mort du Seigneur, la résurrection du Seigneur, l'ascension du Seigneur, ainsi que la rémission des péchés, et tu ne reçois pas
chaque jour le pain de vie ? Celui qui a une blessure cherche un remède. C'est une blessure pour nous d'être soumis au péché ; le remède céleste, c'est le vénérable sacrement. 
« Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien. » Si tu le reçois chaque jour, chaque jour pour toi c'est aujourd'hui. Si le Christ est à toi aujourd'hui, il ressus-cite pour toi aujourd'hui. Comment ? « Tu es mon Fils, aujourd'hui je t'ai engendré. » Aujourd'hui, c'est quand le Christ ressuscite. « Il était hier et il est aujourd'hui », dit l'apôtre Paul. Mais il dit ailleurs : « La nuit est passée, le jour est arrivé. » La nuit d'hier est passée, aujourd'hui le jour est arrivé. 
Voici la suite : « Remets-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs. » Qu'est la dette, sinon le péché ? Si tu n'avais pas accepté d'argent d'un prêteur étranger, tu ne serais pas dans la gène, et c'est pour cela qu'on t'attribue le péché. Tu as possédé l'argent avec lequel tu devais naître riche. Tu étais riche, fait à l'image et la ressemblance de Dieu. Tu as perdu ce que tu possédais, c'est-à-dire, l'humilité, quand tu désires te venger de l'arrogance, tu as perdu ton argent, tu t'es fait nu comme Adam, tu as accepté du diable une dette qui n'était pas nécessaire. Et par là, toi qui étais libre dans le Christ, tu t'es fait le débi-teur du diable. L'ennemi tenait ta garantie, mais le Seigneur l'a crucifiée et l'a effacée par son sang. Il a supprimé ta dette, il t'a rendu la liberté. 
C'est donc avec raison qu'il dit : « Et remets-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débi-teurs ». Fais attention à ce que tu dis : « Remets-moi comme moi je leur remets. » Si tu remets, tu fais un juste accord pour qu'on te remette. Si tu ne remets pas, com-ment l'engages-tu à te remettre ? 
« Et ne nous laisse pas induire en tentation, mais délivre-nous du mal. » Fais attention à ce qu'il dit : « Et ne nous laisse pas induire en tentation à laquelle nous ne pouvons pas résister. » Il ne dit pas : « Ne nous induis pas en tentation, » mais comme un athlète il veut une épreuve telle que l'humanité puisse la sup-porter et que chacun soit délivré du mal, c'est-à-dire, de l'ennemi, du péché. 
Mais le Seigneur, qui a ôté votre péché et pardonné vos fautes, est capable de vous protéger et de vous garder contre les ruses du diable qui vous combat, afin que l'ennemi, qui d'habitude engendre la faute, ne vous surprenne pas. Mais qui se confie à Dieu ne craint pas le diable. Car si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? C'est donc à lui qu'appartiennent la louange et la gloire depuis toujours, maintenant et à jamais et dans les siècles des siècles. Amen.


source: extraits de Traité des sacrements par Saint Ambroise de Milan